LES TOURMENTS DE LA TERRE

Depuis le petit matin, le ciel pleurait et emplissait la terre de ses chagrins.

La mer grise était le tombeau de mon remords.

Puis vint le soir et son ciel sombre, bleu-nuit à l'horizon.

Et le Château était là, inaltérable et magnifique, au milieu des tourments de la terre.

 

      "A porter mes heures nues*

       Ai-je traversé plus d'aube?

       Ô revheureuse

       Cesse de creuser "

                       (...)

      "Mais

       les automnes tendres

      Te porteront transparente

      Jusqu'à mes lèvres"

 

La voix d'Olympia Alberti résonne entre  vieilles pierres et regards conquis.

Les mots s'entrelacent et endorment la tristesse.

 

      "Quand sauront-ils qu'Aimer

        ouvre en soi une faim profonde"

                      (...)

      "Il y aura des visages des heures

        irrespirables des matins éventrés

        où la tristesse aura raison

        de moi, même porteuse d'infini

        de mon âme ensevelie de futur blessé"

 

La respiration magnifique du violon rebelle de Ventzislava Choykova prend tout l'espace entre le verbe et le chant des cordes. Le temps s'allonge, infiniment.

 

       "Pourquoi devant toi mon visage

         est-il si nu?

         Les trains me sillonnent

         les arbres déclinent mon front

         ouvert sur le ciel

         je n'entends que tes yeux"

                          (...)

         "je t'aime avec la respiration

          du jour et de la nuit

          avec ce que désire la fleur

          et ce que dit le bouquet séché

          avec les fenêtres ouvertes

          et les orages sur les yeux fouettés"

 

Le cri et sa retombée font un jour nocturne.

Dans le parc la pluie s'arrête et un oiseau du soir précède le violon de Ventzislava.

 

 

          "Puisqu'il me faut détenir

           le rêve plus haut que mon corps

           mais à peine au mistral de mon élan

           puisqu'il me faut lever l'offrande

           jusqu'à la prière

           laisse-moi partir

          mais ne pas te quitter"

 

Profondeur du soir.

Nos esprits suivent les mots et dansent sur la mélodie de l'archet.

Quatre-vingt paire d'yeux entrent dans la joie.

 

         "Aimer les autres comme on bâtit

          comme on protège comme on garde

          le jeune

                               (...)

        "Va, l'absence est partout

          ton Absence

         ma demeure"

                 (...)

       "Et le cri nous précède

        et le silence nous suit"

 

La lune se lève.

Bientôt la musique se meurt.

Avec vous  elle renaîtra, après Olympia

 

       "Elle avait de l'amour les paupières

        Et au bord des yeux un autre velours

       Que je ne pouvais pas voir encore"

 

Comme de tradition, Madeleine-Marie Davaine (Bonheur) ouvre le bal improvisé de la scène ouverte.

Vous serez douze à lui succéder:

le jeune Sébastien Macagno ( "de glace ou de glaise"), Chantal Cudel (chante Bérimont "la chanson de l'été" sur une mélodie de James Ollivier, puis "l'heure bleue"), Maryse Dutouya ("petite fille"), David Cardoso ( "gris andalou"), Myriam Holley ("petite histoire peu banale"), Tatiana Touraou ("l'attente"),  Michèle Freud ("joie de givre"), Marie Gay (l'empreinte de mon pas"), Maxime Tomatis ("le vent" de Verhaeren), Patrice Alzina ("sunset"), Jackie Raimondi ("brise du sud" de Tania Pividori), et Diane Beausoleil ("roses", puis "marine") nous enchantent de leurs mots encore chauds de leurs âmes.

 

L'amitié et la joie partagées sont comme un bruissement d'ailes.

C'est l'instant choisi par notre mezzo-soprano Diane Beausoleil pour entonner "le spectre de la rose" de Berlioz etThéophile Gautier.

Un frisson passe de cœur en cœur.

 

Avant que ne se lèvent les verres, comme une joie qui récidive.

 

Pierre-Jean Blazy

 

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