LE VOYAGE IMMOBILE
- Par Pierre-Jean BLAZY
- Le 25/09/2012
Septembre en azur est un mois de plein été.
Le soleil brille de tous ses feux depuis qu'il est levé.
En cette fin de journée, la ville résonne de tous les bruits de la vie.
"Que fais-tu, quand tu ne m'aimes pas ?"
Zorica Sentic, poétesse franco-serbe, est revenue d'un long voyage dans le pays de son enfance.
Elle parle maintenant aux quatre vingt venus l'écouter :
"Je me souviens
il était tard
en janvier
ou en février"
(...)
"votre regard
la couleur du sourire
l'éclat du rire
de votre silence"
(…)
Au piano, Patrice Reich est inspiré, et le rythme des notes se
mélange à la musique des mots, comme dans une partition rêvée :
"Je rêve un jour d'écrire
avec des mots d'oiseau-lyre
un quatrain en requiem
pour l'amour d'un tandem"
(...)
"je n'ai pour amants que des mots taris
et un, et deux vieux ordinateurs pour mari"
Et voici venu le temps du partage. Zorica Sentic s'adresse au public bercé d'images et de vibrations :
"Si le soleil oublie de se lever
alors peut-être je vous oublierai"
(...)
"même si vous me reniez
et qu'un jour j'oublie de me réveiller
vous, non, je ne vous oublierai pas
je vous aime"
(...)
En vraie poétesse de l'amour de l'autre, mains ouvertes vers ces regards qui se tendent, Zorica Sentic déclare sa flamme crue :
"Si tu n'existais pas
je ne verrais pas le ciel
si tu n'existais pas
le soleil serait-il là ?
y aurait-il des chants
des fleurs
aimerais-je le gris ?
mon cœur battrait-il ?
la lune brillerait-elle ?
(...)
"éteins le silence et tais-toi
ferme les yeux et regarde en toi"
Les applaudissements crépitent dans le vieux château surpris par tant de verve. Ils remercient Zorica et accueillent Claudette
Ory et Patrice Reich, qui lui reste au piano.
Les deux amis vont pendant quinze minutes de bonheur enchanter le public trop nombreux pour la pourtant vaste salle des
conférences.
La voix enchanteresse de la soprano, la puissance du ténor envahissent toutes les pièces du château. André Messager ("j'ai
deux amants" ; "l'amour masqué"), Offenbach, Tosti, Rossini et Bernstein sont à l'honneur, et nos deux artistes récoltent les
vivas du public conquis.
Puis place à la surprise de cette onzième édition des Mots d'Azur, particulièrement riche.
Christophe Forgeot, Fabienne Courmont et Elzbieta Dedek s'avancent sur la scène pour nous offrir un extrait de leur
spectacle "fantaisie impromptue" qu'ils donneront le lendemain soir sur les hauteurs de Théoule-sur-Mer. Danse avec
Fabienne, piano divinement caressé par Elzbieta et poèmes de Christophe lus par lui-même, se succèdent et se mêlent.
Le moment est fort.
Il ouvre la voie à une scène ouverte plus courte que d'habitude, mais qui va cependant laisser la parole à quatre d'entre nous.
Chantal Cudel livre une très belle interprétation chantée du poème de Verlaine, "les assis".
C'est Patricia Brenner qui lui succède, et nous fait partager avec bonheur le poème de Lamartine "le papillon". Puis Brigitte
Caizergues fait découvrir l'un de ses textes inédits "l'homme et son rêve" , qui nous parle du vent demandant à l'humain de
laisser sur notre terre une trace de lumière.
Amour et espoir font alliance avec les mots.
C'est à Bruno Niver que revient le plaisir de clore cette parenthèse de poésie brute.
Il le fait avec grand talent, déclamant de la plus belle et la plus originale des façons "le bateau ivre" de Rimbaud.
Les applaudissements sont nourris.
Le jour baisse et se promène entre chien et loup.
Pendant de longues minutes, spectateurs, auteurs, diseurs, et musiciens vont se parler et sourire ensemble.
C'était une fête.
Un instant de la vraie vie.
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