LE RAVISSEMENT DES OMBRES
- Par Pierre-Jean BLAZY
- Le 26/04/2014
Maintenant le jour s'est allongé sous un ciel gris, où les courses multiples et brèves de nos journées se sont essoufflées. Se sont tues.
Y a-t-il un trésor dans les ténèbres qui se rassemblent au bout de l'horizon ?
Mais voici, à l'instant, avec Gisèle Sans, ce chemin vers l'eau en plein désert :
«chemins de nuit
poudrés parfois
d'un nuage lactescent
Dans l'opale céleste
étoiles nommées
pour les connaître
et se retrouver
dans le secret
au large des villes
qui les éteignent »
«Nuit
brillante
de froidure
en élans de montagnes
échappés de nos fronts
imaginant les anneaux glacés
de Saturne»
C'est une gifle de mélancolie
ou comme un parlement des choses
qui dans un soir crevé d'or
se tourne vers le calme infini.
Celui qui nous ressource.
Nous fait repartir.
«Partir
sur le souffle du vent
écartant les coques penchées
toutes voiles tendues étirées
fendant les bleus
de la mer et du ciel
Envie
de paradis retrouvé
vivant dans la mémoire
ombres renaissantes
sur le rideau ensoleillé»
Enamourement de toi.
L'esprit est ardent et la chair vive.
Dans le silence des mots vient l'unité
qui habite dans la montagne au-delà de toi.
Ce qui me fait vivre vient après l'orage :
un lambeau de brouillard
sur l'immuable désir
«Au plus près
du ciel perçant
des déserts
sur la route l'infinitude
Domaine du grand silence
coupé
de traversées vibrantes»
«Surface profonde
s'ouvrant
en abîme
haut et bas confondus
pleine d'émoi
et pourtant
d'oubli de soi»
Le printemps bouge doucement.
Il offre à nos corps endoloris
un concert silencieux
un fantôme de chair et de sang.
«Chercher
son passé
souvenirs brouillés
dans les strates mélangées
jusqu'aux reflets profonds »
« Entrer en soi
mélancolie douce
presque reposante
Aux confins de l'être
de la mémoire
la source
Attendre
La droite ligne coupée
ouverte
avant de se reprendre »
* * *
Vous êtes dix à être venus vers moi, avant sept heures du soir, pour donner un peu de vous à la scène ouverte qui se tient maintenant. Dix voix, dix partages, dix sourires et dix émotions vont façonner ce moment toujours d'une grande intensité.
Madeleine-Marie Davaine («les oiseaux») , Maryse Dutouya («trop tard»),
Chantal Cudel qui chante Aragon («Maintenant que la jeunesse») et nous offre un de ses textes («l'éphémère»), ouvrent le bal musical des mots. Puis
Myriam Holley («Petite histoire peu banale», suite et fin),
Karine Vallade qui lit Colette («J'appartiens à un pays») et notre inimitable et flamboyante
Michèle Freud («Neige» de Maxence Fermine), poussent plus loin les feux, jusqu'au bord de l'émotion à fleur de peaux.
Enfin, Patrice Alzina («rêverie»),
Maria Bachs («bleu safre» de Montserrat Orduna) et
Florence Martinie («l'écrit, le vent») précèdent
Anaïs Valard, («Ho Luna» et «C'est vraiment pas de chance»), dont la jeunesse jointe au talent soulèvent un grondement d'applaudissements.
C'est le moment choisi par Laetitia Kullean pour nous emmener avec sa voix mature et envoûtante vers trois merveilleux morceaux de la chanson française.
Merci à elle, Brel, Barbara et Piaf.
Et voici que nos mémoires dansent. Quelque chose de beau s'égare dans le Château, et revient vers nous.
La salle à manger bruisse de joies qui se préparent.
A l'entrée de la haute bâtisse qui reçoit les sourires, les verres tintent, dans le ravissement des ombres d'un soir de jeune printemps.
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