UNE AVENTURE DE L'ESPRIT

Maintenant la salle est pleine, et au septième coup du clocher, un à un les regards s'allument.

                                    

Celui très bleu de Gérard Pons s'accroche aux pierres vivantes du Château qui le salue en majesté.

Dehors, le vent glacé apporte la nuit sur un grand plateau de feuilles mortes.

 

Le vent me le dirait

si ce n'était pas toi.

Je le reconnaîtrais

à la risée de la mer,

aux herbes échevelées

à la solitude froide

de la lune

entre deux nuages d'oubli.

Si ce n'était pas toi,

le vent me le dirait.

 

Il est une aventure qui se joue dans le ciel. L'esprit de ceux qui passent m'emporte quelque part au milieu de la nuit

             (...)                   .

L'ascension des morts

est terminée.

L'invisible ne se fractionne pas.

             (…)

Il faudra plus de temps

aux arbres fracassés

pour revivre

dans la senteur des veuves.

 

La trompette de Mathieu Pourtier déchire l'air épais de la salle immobile.

 

Que cette mélodie d'un soir coule bien dans nos veines !

 

Les doigts graciles de la belle Giulia Mendolia s'attardent sur le piano amoureux de sa maîtresse d'un soir. Les yeux se ferment doucement pour goûter le beau, à côté de nous.

             (…)                                                                 

Ses mains retiennent ses cheveux,

ses seins comme dunes

modulent l'infini.

Quelle route emprunter

quand le vent est tombé 

et que le bruit de la mer

ne s'entend plus ?

                                                                                                                                                                                                                                                          

Les yeux se ferment doucement pour mieux goûter le beau, à côté de nous.

Un verre de crépuscule aide à comprendre le vaste monde ;

Reviens croiser mes doutes dans la vallée des masques.

            (…)

La mort d'un ami

raccourcit toujours

notre propre vie.

           (...)

Il pleut

comment dire autrement

il pleut.

L'aveugle pleure

sans explication.

Il pleut.

Ah, ce ravissement des femmes qui nous fait croire à l'avril en automne. Il me faut toujours ce feu qui s'embrase.

             (…)

entre clarté et obscurité

lorsque les filles se dévêtissent

autour de la margelle du puits.

Juste avant l'arrivée

des oiseaux de nuit.

            (…)

Dans l'herbe rase et salée

au creux du vent

j'ai posé mon sac

lourd de souvenirs.

A quelle étoile

les épaules allégées

adresser une prière

           (…)

Il me revient l'ambiance feutrée de ce grand bal du silence, quand il me reste ma vie à écrire , avec un cœur si large et si généreux que je pouvais enfin confondre l'amour et ce chagrin joyeux.

 

Je compte le temps

sur les rides d'une vieille

endormie sur une chaise

au soleil

et dont l'ombre s'allonge

plus noire

que celle de l'olivier.

                                                              

Désormais le vent respire tout bas. Dans les taillis où repose l'écorce des pierres, j'aperçois un vieux renard qui marche au pas lent de la mer.

             (...)

A qui appartient le silence

pendant que je caresse

les veines saillantes de mes mains ?

 

                                                *  *  *

Un tonnerre d'applaudissements roule vers Gérard Pons, Mathieu Pourtier et Giulia Mendolia. Dans le parc du Château, la nuit sombre et glacée s'est installée, jusqu'à demain.

Madeleine Marie Davaine se tourne alors vers la salle pour entonner « je te souhaite », poème de la vie qui vient auquel elle ajoute une surprise pour votre serviteur : « les mots d'azur », un texte attachant que vous trouverez sur notre site.

Puis Jackie Raimondi, en partance pour Porticcio où elle va animer un très beau Printemps des Poètes, feuillette à haute voix deux recueils de Gérard Pons encore ouverts sur la table, et nous fait partager les « rêves solitaires » et les « regards nocturnes » de Pablo Neruda.

C'est le moment choisi par Chantal Cudel pour lire son cher Jean Berger, avec le poème « Camargue », puis « le perroquet », un texte dédié à son père trop tôt parti.

Les visages s'éclairent, les regards scrutent l'assistance pour voir le prochain ami qui se tiendra derrière le micro des Mots d'Azur. Ce sera Mathew Woodman, représentant de sa gracieuse Majesté, qui, avec son accent inimitable et sa gentillesse perceptible va nous lire 4 poèmes de son cru : « ailleurs », « friendship », « Montmartre de Sacré-Coeur » et « ce sourire ». Merci à notre ambassadeur !

J'appelle ensuite l'ami Yves Giombini, qui déclame de fort belle manière le texte décapant de Léo Ferré, écrit en 1971, et intitulé «La poésie contemporaine».

Les visages sont concentrés. Ce soir une riche diversité est de mise, pour le plaisir de tous.

C'est donc au tour de François Lagarde de lire Maria Bachs, qui nous fait l'amitié de sa présence avec « forêt de tes cils » .

Puis il continue dans la foulée, avec un texte de Montserrat Orduna, fille de la précédente, intitulé « à l'écorchure de tes mots ».

Véronique Icart et son sourire nous lisent ses « mélodies », et Cédric Jacob, l'ami de Nice, poète-astronome, et co-inventeur  des « Rencontres des poètes & Co » qui se créent dans la capitale azuréenne, nous livre deux textes : « ma prime observation » et « l'abeille ».

C'est à Marie Gay que reviennent les mots de la presque fin, avec un extrait de son recueil « Vers la vie » nommé « dans tes bras chauds ».

Car cette soirée si belle et si dense ne pouvait se suspendre sans la voix chaude et la guitare magique de Lobsang,    qui nous emporte dans son chant, en posant cette question : « d'où êtes-vous camarades ? ».

C'est le désir qui nous rend humain. Et ces instants de bonheur partagé, avec des mots, avec des notes sont un désir vivifiant, et ce soir accompli.

 

Au loin, la lumière jaune de l'enseigne de «la Gabbia » est un appel à prolonger ce nouveau bonheur.

Pierre-Jean Blazy
Président des Mots d'Azur

 

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