AUCUN ETE N'EST ETERNEL
- Par Pierre-Jean BLAZY
- Le 07/11/2017
L'automne doucement a pris possession du Château.
Il y a le bruissement de paroles lentes, apaisées.
La voix de Gilbert Renouf
emplit le bois et les pierres de la grande salle aux cent regards.
Allons regarde il ne fait pas déjà nuit
il n'est pas dit d'ailleurs
qu'il y ait une nuit semblable à tes cauchemars
où tu la verrais emporter avec elle
la foule froissée de vos rêves
comme les draps après les corps
(...)
Aux projets d'une vie, j'oppose la vie offerte
je ne mesure ni le temps ni l'espérance
acier doux du ciel
et le velouté d'un nuage rose
(...)
Le long train de la poésie a quitté la gare. La flûte altière de Cécile Chassoulier accompagne ce voyage dans la musique des mots et des émotions.
Nos éternités sont venues de loin
il m'aura fallu une vie pour apprendre à ne pas crier
une autre pour savoir attendre
une autre pour laisser être
(...)
Quand elle vient vers moi avec ce sourire
quelque chose d'invisible la précède
s'empare de mon corps
comme la lumière d'une grâce
qui ouvre la joie
et efface les ombres
(...)
Les applaudissements fusent après chaque prose, après chaque musique.
Maintenant sur la scène s'avance Rémy Durand.
Elle voulait partir. Pour que son regard atteigne les nuages,
encore plus loin peut-être, pour que son chagrin s'apaise, pour
parler là-haut, puisqu'ici elle ne le pouvait pas, pour écrire là-haut,
des mots dans un ordre parfait, puisqu'ici elle avait tant de mal à le faire
(...)
Laisse moi, je dois partir, ne viens pas, mais viens avec moi dans mon rêve, si tu veux bien.
(...)
Les mots se rassemblent.
La flute enchantée court, frivole, entre les mots, pendant les rêves, jusqu'aux tourelles du château.
Il est trop tôt pour aller dormir
Naïa s'allonge sur le lit dans un éclat de bonheur
c'est mon royaume...
elle l'invite à le rejoindre
ils ne disent mot
ils écoutent le bruit des vagues au loin
ils ne veulent pas devancer le temps
(...)
Demeurer dans l'immobile
y prendre attache comme dans une crique solitaire
ceinte de plages secrètes et d'anses inconnues
(...)
Les regards sont suspendus, et chaque mot est bu avec délectation. C'est une avalanche d'émotions
vécues qui sont dégustées par l'esprit. Rémy Durand poursuit:
Je le dis: nous conduisons tous notre troupeau dans le désert. Nous sommes tous, un jour, en un lieu précis du désert, en un parage lumineux, loin, très loin des hommes, des villes, des fracas, des déflagrations
(...)
Je le dis: nous nous sommes manifestés à nous-mêmes, pour donner un sens à notre respiration, à notre chair, aux battements de nos cœurs (...)
Nous voici, bergers des ombres dans la lumière du désert, bergers qui sauront construire la demeure imaginaire
(...)
Après ce magnifique duo de poésie, vient la richesse différente de la scène ouverte: la fraicheur et la diversité de vos voix qui se succèdent.
Maria Salamone,
Muriel Brosset,
David Cardoso,
Irène Leneuveu,
Bernard Féraud,
Magda Igyarto,
Philippe Molino,
Pierre Kozlowski,
Daniel Galand,
François Martin,et
Patrice Alzina
font vibrer des textes originaux, enlevés, qui vont du rire aux larmes, qui sont toujours dans l'émotion partagée.
La nuit est tombée.
C'est le crépuscule.
La soprano Vanina Aconina nous régale de sa voix pleine et chaude, et pour quelques minutes encore, la beauté est parmi nous.
Place désormais aux agapes veloutées, à tous ces sourires échangés, à ces discours entre amis.
C'est le début d'un bel automne.
Aucun été n'est éternel.
Pierre-Jean Blazy
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