JEUNE AUTOMNE
- Par Pierre-Jean BLAZY
- Le 25/11/2013
C'est lorsque le jour partit s'allonger que l'aquarium se remplit de poésie.
Trente amis étaient là, tout à la joie de se retrouver et de partager un peu des jours qui les séparaient de l'été.
C'est alors que Roger Lecomte vint remplir l'âtre de silence avec sa "chanson de l'iguane sur un réverbère" :
"Ferme les yeux
et fuis
loin derrière ton épaule
(...)
ferme les yeux
écoute la pluie
écoute la pluie tomber doucement
sur la ville verte
la ville tout à fait déserte
la ville étrange d'être si déserte»
(...)
Oui, le beau venait de se poser, et d'un seul coup tout était si sombre :
"il va bientôt neiger
sur nos hivers de l'âme
et nous disparaîtrons
sous un manteau d'années"
(...)
et voilà que je compte
les éclats de mon sommeil de verre,
un minuit sans horloge.
L'hiver des solitudes qui cerne la maison
Avance à pas feutrés"
Mais le printemps n'était pas tout à fait mort et voici que Roger Lecomte entonne "l'amandier en fleurs", poème composé d'après le célèbre et dernier tableau de Bonnard. Alors même que le violon de Juliana Plançon est un aller simple vers le bonheur.
"Toute la nuit comme en secret
j'avais neigé de blancs pétales
j'avais neigé
sur la vie qui s'écoule
sur la toile enfin sèche"
A la fin, ne reste que l'écriture et le frottement des cordes apprivoisées par Juliana :
" l'écriture comme un départ
soudain vers la nuit intérieure
ou un laissez-passer pour une échappée belle
(...)
l'écriture, indicible musique
venue nous murmurer
qu'il faut s'aimer très vite
avant le premier givre"
Nous étions déjà loin, mais pas encore repus de poésie vivante.
Philippe Molino, accompagné à la contrebasse par Eric Chapelle, vint nous saluer avec les mots inimitables du poète niçois pas assez célébré, Gabriel Caressa :
« Telle est la joie qu’elle descend le matin
comme une rue semée de visages
aux pierres des maisons, aux regards clairs des maisons
sa main de fleurs et de silence»
La contrebasse emplit alors toute notre planète, alors que le poète avait cette vision du bonheur :
« l’aube s’éveille sous l’aile d’un oiseau
un ange a son doigt clair sur la joue d’un enfant
c’est enfin le matin, et notre nuit recule !
(…)
je t’aime de l’amour dont tu m’atteins
(…)
dans la tendresse et les mouvements d’air et de lumière»
La diction parfaite de Philippe Molino et la finesse indicible de la corde qui tressaille nous emportèrent pour de bon :
«qui ouvre sa porte au jour qui veut naître
y boit l’instant de transparence
y reçoit le silence des eaux où affleure le bleu
entre, tel un oiseau, dans le lit de l’espace»
Quatorze nous fûmes encore, pour prolonger l’instant, autour de la table de Florence et Morgane.
Pierre-Jean BLAZY
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