Soir d'hiver autour de l'âme
- Par Pierre-Jean BLAZY
- Le 20/02/2012
Il gèle à pierre fendre.
De bleu, le ciel est devenu cendres.
La petite troupe est aux portes du château.
On entend les notes de l'accordéon qui s'accorde aux mots de chair de Claude Artès.
"elle est descendue
de mon rêve
pour se poser sur mon cœur
comme un matin qui se lève
son visage dans mes mains
réveille le bonheur"
Claude Artès nous parle des greniers du temps.
Quarante huit souffles devenus chaleur regardent vers celui qui se livre:
"j'entends
la présence du vent
dans ta voix
chaque aube
attendra l'étreinte de tes bras"
L'horloge du cœur, les nuages (qui) endorment la clarté des matins,
sont entrés dans le mystère des lieux, et ne veulent plus en sortir.
"il y a
des ponts
à traverser
pour retrouver
les bonheurs
oubliés"
Le temps s'attarde.
L'accordéon de Jean-Jacques Marceau, aux notes claires et aux élans langoureux,
s'imprègnent dans le présent qu'on ne veut plus quitter:
"empreintes
te rejoindre
là ou les maisons
parlent au ciel
dans le secret
des heures cachées
sous les échelles
du rêve"
Puis, le silence, et cette musique qui guide nos pas jusqu'au jour qui s'avance:
"à l'instant
où je t'écris
j'entre dans le jour
d'un matin de pluie
des morceaux de ciel
s'échappent de mes mains
en route vers tes bras
j'ai confiance en la vie"
Le public applaudit, comme dans un roulement de pluie qui laverait tous les ennuis.
Un souffle est passé.
Qu'il est difficile de s'extraire du monde de Claude Artès.
Mais, autour de nous, il y a des artistes qui se lèvent et qui parlent.
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Philippe Molino nous dit de "résister encore et encore (...) enfin vivre (...) marcher vers
le soleil, par des marches légères" puis nous emmène sur les traces de Julien Jacob,
grand poète du Bénin:
"regarde comme les regrets et les remords
te rongent
vaine énergie que tout cela
tu n'es plus roi en ton royaume
(...)
aucun vent n'efface ton chemin
tu es la corde et tu dois être tendu
pour que le ciel et la terre
puisse s'unir par toi"
En réponse, Françoise Deleuse et le piano de Maggie Magglee entonnent Ferré puis Brassens,
avant qu'André Brassin nous entraine dans "une soirée perdue": Alfred de Musset s'invite au château.
Le temps défile mais Janny Lumeau s'en saisit, en faisant résonner les mots du regretté
poète de Saint Paul de Vence, André Verdet.
Puis c'est au tour de Diane Beausoleil, et "son rêve", avant qu'Elisa Verna nous lise Nicole
Lanza avec "l'hiver, patrie de mon exil". Chantal Cudel, quant à elle, nous emmène dans sa
"fortune de mer", et chante Brel avec Lobsang à la guitare.
Les mots débordent et Gilbert Grosso vient les saisir au vol en déclamant un fragment de
"Booz endormi" de Victor Hugo, puis laisse la place à André Gosse, qui fait crépiter le style
sans pareil de Jehan Rictus.
Février peut bien geler dehors: la voix ample et généreuse, inimitable de François Voisin fait
vibrer les murs de pierre avec les mots de Gabriel Monnet.
Dehors, quelques étoiles préparent le lendemain.
La petite troupe devenue grande a de l'appétit.
Il est l'heure de marcher vers "la Gabbia", aux couleurs chaudes et aux mets parfumés, pour
y vérifier l'exactitude des songes.
Oui, c'est sûr: nous nous retrouverons.
Pierre-Jean Blazy
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