Soir d'hiver autour de l'âme

 

Il gèle à pierre fendre.

De bleu, le ciel est devenu cendres.

La petite troupe est aux portes du château.

On entend les notes de l'accordéon qui s'accorde aux mots de chair de Claude Artès.

                "elle est descendue

                de mon rêve

                pour se poser sur mon cœur

                comme un matin qui se lève

                son visage dans mes mains

                réveille le bonheur"

Claude Artès nous parle des greniers du temps.

Quarante huit souffles devenus chaleur regardent vers celui qui se livre:

                "j'entends

                la présence du vent

                dans ta voix

                chaque aube

                attendra l'étreinte de tes bras"

L'horloge du cœur, les nuages (qui) endorment la clarté des matins,

sont entrés dans le mystère des lieux, et ne veulent plus en sortir.

                "il y a

                des ponts

                à traverser

                pour retrouver

                les bonheurs

                oubliés"

Le temps s'attarde.

L'accordéon de Jean-Jacques Marceau, aux notes claires et aux élans langoureux,

s'imprègnent dans le présent qu'on ne veut plus quitter:

                "empreintes

                te rejoindre

                là ou les maisons

                parlent au ciel

 

                dans le secret

                des heures cachées

                sous les échelles

                du rêve"

Puis, le silence, et cette musique qui guide nos pas jusqu'au jour qui s'avance:

                "à l'instant

                où je t'écris

                j'entre dans le jour

                d'un matin de pluie

 

                des morceaux de ciel

                s'échappent de mes mains

 

                en route vers tes bras

                j'ai confiance en la vie"

Le public applaudit, comme dans un roulement de pluie qui laverait tous les ennuis.

Un souffle est passé.

Qu'il est difficile de s'extraire du monde de Claude Artès.

Mais, autour de nous, il y a des artistes qui se lèvent et qui parlent.

 

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Philippe Molino nous dit de "résister encore et encore (...) enfin vivre (...) marcher vers

le soleil, par des marches légères" puis nous emmène sur les traces de Julien Jacob,

grand poète du Bénin:

                "regarde comme les regrets et les remords

                te rongent

                vaine énergie que tout cela

                tu n'es plus roi en ton royaume

                               (...)

                aucun vent n'efface ton chemin

                tu es la corde et tu dois être tendu

                pour que le ciel et la terre

                puisse s'unir par toi"

En réponse, Françoise Deleuse et le piano de Maggie Magglee entonnent Ferré puis Brassens,

avant qu'André Brassin nous entraine dans "une soirée perdue": Alfred de Musset s'invite au château.

Le temps défile mais Janny Lumeau s'en saisit, en faisant résonner les mots du regretté

poète de Saint Paul de Vence, André Verdet.

Puis c'est au tour de Diane Beausoleil, et "son rêve", avant qu'Elisa Verna nous lise Nicole

Lanza avec "l'hiver, patrie de mon exil". Chantal Cudel, quant à elle, nous emmène dans sa

"fortune de mer", et chante Brel avec Lobsang à la guitare.

Les mots débordent et Gilbert Grosso vient les saisir au vol en déclamant un fragment de

"Booz endormi" de Victor Hugo, puis laisse la place à André Gosse, qui fait crépiter le style

sans pareil de Jehan Rictus.

 

Février peut bien geler dehors: la voix ample et généreuse, inimitable de François Voisin fait

vibrer les murs de pierre avec les mots de Gabriel Monnet.

 

Dehors, quelques étoiles préparent le lendemain.

La petite troupe devenue grande a de l'appétit.

Il est l'heure de marcher vers "la Gabbia", aux couleurs chaudes et aux mets parfumés, pour

y vérifier l'exactitude des songes.

 

Oui, c'est sûr: nous nous retrouverons.

 

Pierre-Jean Blazy

 

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